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  • aurorerebrioux

Cette colère, qu’en faire ?




Actuellement, l’épidémie à laquelle nous sommes confrontés, nous amène tous, à ressentir diverses émotions.

Un premier travail publié dans The Lancet le 26 février dernier a analysé 24 études scientifiques concernant 10 pays lors de précédentes épidémies.

Cette étude montre que la durée du confinement elle-même est un facteur de stress et qu’une durée supérieure à 10 jours était prédictive de symptômes post-traumatiques, de comportements d’évitement et de colère.

En effet, en fonction des personnalités, certains éprouvent plus de la peur par rapport à la possible contamination d’eux-mêmes ou de leurs proches, et à la santé d’une manière générale, à l’avenir ou encore à l’aspect financier… D’autres ressentent de la tristesse de ne pas pouvoir voir leurs proches, de devoir abandonner certaines activités, de ne pas pouvoir poursuivre ce qu’ils avaient commencé, de devoir renoncer à des projets envisagés depuis longtemps…

Enfin, certains ont de la colère… Récemment, j’ai lu un article d’un psychologue qui exprimait cette émotion vis-à-vis de la situation actuelle, plus précisément par rapport aux moyens dont l’hôpital dispose (ou ne dispose plus) pour faire face à cette épidémie et la manière dont les professionnels de santé ont pu être traités depuis ces dernières années par les gouvernements. Cette colère, légitime et certainement partagée par nombre de Français… Alors pourquoi calmer celle-ci et comment ?


Calmer la colère car elle nous est néfaste.

La colère comme les autres émotions déclenchent des manifestations psychologiques bien sûr mais également physiques, celles-ci peuvent avoir des conséquences qu’on ne soupçonne pas. En effet, la colère se traduit par trois grands types de manifestations physiologiques. D'abord, des modifications corporelles typiques comme l'augmentation de la pression artérielle et du tonus musculaire, puis l'apparition d'expressions faciales caractéristiques et enfin, une extériorisation verbale de l'émotion, parfois associée à des marques d'agression.

De nombreuses études s’accordent sur le fait que la colère peut être considérée, au même titre que le stress, comme un facteur de risque dans les pathologies cardiaques. En effet, le Pr Elizabeth Mostofsky et ses collègues de Harvard dans l'European Heart Journal remarquent que toutes les études trouvent que par comparaison à d'autres moments, il y a un plus haut risque d'accident cardiovasculaire dans les deux heures qui suivent une explosion de colère». Ainsi le risque d'infarctus du myocarde est-il multiplié par cinq, celui de rompre un anévrisme cérébral (malformation d'un vaisseau) par six, et le risque d'être victime d'accident vasculaire cérébral ischémique (par obstruction d'une artère du cerveau), est triplé.

La colère impacte aussi nos défenses immunitaires… Selon une étude publiée dans la revue scientifique American Psychologist, la colère augmente la vulnérabilité aux maladies, compromet le bon fonctionnement du système immunitaire.

En effet, bien maîtriser ses émotions est donc très important pour la santé car l'organisme ne fait pas de distinctions entre les raisons qui amènent l’émotion. De ce fait, les mêmes mécanismes physiologiques et neuroendocriniens se mettent en route, quel que soit l’évènement à l’origine de l’émotion. On retrouvera une accélération du rythme cardiaque, les glandes surrénales qui libèrent du cortisol (principale hormone du stress) qui, à son tour, augmente le taux de sucre dans le sang afin d'accroître la force musculaire et pour assurer cette activité intense d'autres fonctions, comme la digestion et le système de défense immunitaire sont mises au repos.

Si on peine à réguler nos émotions, l'organisme est plus sollicité et le corps se fatigue. A force de transformer les graisses en sucre, un diabète peut s'installer... Le système digestif perturbé peut engendrer des douleurs au ventre et le système immunitaire, au ralenti, augmente la vulnérabilité au virus...

Pour apaiser la colère…



Pour nous soulager et pouvoir mieux prendre en charge ce ressenti pénible, au même titre que pour d’autres émotions, il nous faut commencer par identifier ce que nous ressentons. Identifier c’est observer notre façon d’être et de penser. Quand nous sommes en colère, nous éprouvons un malaise physique, notre visage se contracte (froncement des sourcils, mâchoires serrées, narines pincées). Il peut y avoir une rougeur ou une pâleur du visage et nous pouvons être irritable voire agressif… Au niveau cognitif, on peut observer que la pensée se fixe sur un sujet et on va retrouver des pensées automatiques comme « si je ne me mets pas en colère, les autres vont penser qu’ils ont raison », ou « je ne comprends pas qu’on puisse vouloir rester dans l’erreur », ou « les autres ne me comprennent pas »…


Pour identifier ce qu’on ressent, il est bon de pouvoir mettre des mots, il peut être intéressant de disposer d’un vocabulaire émotionnel, plus on dispose de mots pour identifier avec précision ce que l'on éprouve, plus il est possible de réagir de manière pertinente à ses émotions.


Ensuite, il s’agit de comprendre ce qui est à l’origine de cette émotion. De manière générale, les émotions reflètent souvent l'état de satisfaction de nos besoins. Ressentir des émotions désagréables est donc utile, ainsi nous sommes informés sur le fait que nos besoins ne sont pas satisfaits et c'est grâce à cette prise de conscience que l'on peut agir et faire en sorte de prendre en compte nos besoins et d’y répondre.

Toutes les recherches sur l’intelligence émotionnelle s’accordent à dire que la colère est une émotion saine face aux agressions, aux injustices, aux obstacles, à la frustration. Actuellement, la colère est en lien avec notre impuissance face à ce virus…

Dans les étapes nécessaires à la régulation de notre colère, il est aussi question de l'expression. Aristote disait "tout le monde peut être en colère c'est facile mais être en colère avec la bonne personne, à bon escient, au bon moment, avec l'intensité qui convient et de la bonne façon ce n'est pas facile et ce n'est pas donné à tout le monde"...

La plupart des études scientifiques reconnaissent également que plus on exprime nos émotions, plus on est heureux. La colère, comme toute émotion, a besoin d’être déchargée. Mais celle-ci est socialement mal vue, il peut nous arriver de vouloir la contenir ou la cacher, mais tôt ou tard celle-ci se peut être réactivée, et cela peut s’avérer plus difficile à gérer pour nous-mêmes et/ou pour les autres. Pensons par exemple à des situations de la vie quotidienne, des personnes qui ont pu être agacées au travail et qui n’ont pas pu (ou voulu) l’exprimer et s’en prennent verbalement à leurs proches en rentrant chez elles. Garder la colère en nous plutôt que l’exprimer directement, c’est le risque que cela s’accumule jusqu’au trop plein : « la crise de nerfs », l’explosion incontrôlée ou alors l’implosion (maladies, dépression…).


Les émotions sont très souvent éprouvées dans le cadre des interactions sociales, c’est pourquoi exprimer ses émotions de façon calme et adaptée aux personnes à l’origine d’une émotion permet ensuite de proposer une solution concrète. Exprimer sa colère revient donc à exprimer un besoin non satisfait de respect, de justice ou de compréhension. Attention quand même car d’autres études ont montré qu’exploser de colère ne fait finalement que prolonger le mal-être.

Aujourd'hui, face à cette épidémie, face à ce virus invisible mais si meurtrier, il est difficile de savoir à qui en vouloir, à qui exprimer cette colère. Si nous avons le sentiment que ce qu’on nous demande de faire (par exemple se confiner ou se déconfiner) est nécessaire et logique alors notre colère peut sans doute s’apaiser mais si nous avons le sentiment que des choses auraient pu être gérer autrement, la colère est attisé et il n’est pas facile de pouvoir proposer quelque chose au gouvernement, les personnes qui nous dirigent ne sont pas forcément à l’écoute. L'idée sera plutôt de canaliser cette énergie pour la diriger vers un objectif à atteindre, vers quelque chose qui pourrait améliorer notre humeur. Peut-être en se regroupant avec d'autres personnes qui partagent notre ressenti, nous pouvons trouver des manières de défendre une idée ou un projet , et ainsi de répondre à un besoin celui d'être entendu, reconnu et respecté. Les pétitions en ligne qui circulent permettent à chacun d'exprimer un mécontentement mais aussi et surtout d'avoir espoir que ce mouvement de colère permette une évolution favorable à une problématique...

Un autre enjeu est de réussir à accepter notre colère car finalement celle-ci et les ressentis décrits précédemment sont normaux, dans le sens où ils font partis du processus de deuil, processus d’acceptation.

Nous passons par ces ressentis quand nous sommes dans une situation où il nous faut accepter une perte, accepter une situation ou un ressenti que l’on ne pourrait pas changer. Dans ma pratique, l'acceptation est centrale, elle renvoie finalement au fait de consentir à une certaine réalité avec l'idée qu'il y a des choses que je peux changer et dans ce cas je dois déployer mon énergie à faire en sorte que cela puisse effectivement évoluer mais il y a aussi des choses que je ne peux pas changer. L'option qu'il m'est donné est celle de l'acceptation, toujours dans l'idée de ne pas se nuir, retrouver le calme nécessaire à notre équilibre psychologique, à l'image de cette petite cascade qui finit par s'apaiser en formant une étendue d'eau tranquille.


Enfin, il faut peut-être finalement revenir à la définition de l’émotion, qui vient du latin "Motio" qui signifie : action de mouvoir. La colère permet de se mobiliser, et d’orienter nos actions vers la défense de nos valeurs, de s’engager…

Quelque part, on peut aussi se réjouir d’éprouver de l’émotion, éprouver c’est ressentir et ressentir c’est vivre, finalement l’émotion c’est le mouvement, le mouvement c’est la vie. Nous avons besoin de tout cela pour exister pleinement.


Rappelons-nous que chacun peut mettre en œuvre des stratégies comme mettre les bons mots sur ce que l'on ressent, déterminer ce qui nous a mis dans tel ou tel état, exprimer posément ses émotions, accepter ce qu'on éprouve et ce que l'on vit. Et gardons en tête que celles-ci peuvent être améliorées au cours du temps...

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